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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/150

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les demi-civilisés

me le secondait bien. Mise avec beaucoup de simplicité, elle disait un bon mot à toutes les dames qu’elle connaissait. On vit jusqu’à quel point ces nobles Anglais s’adaptent à tous les milieux, quand, à la fin de la nuit, ils donnèrent le signal des dernières danses et battirent la mesure de leurs mains pour entraîner tout le monde. Ces manières démocratiques de l’Angleterre nouvelle sont en vogue surtout chez les coloniaux, qui les apprécient fort.

Du fond de la salle de danse, Lucien Joly vint vers moi. Il était en verve et faisait sur plusieurs personnages les plus piquantes remarques :

— Regarde-moi cet échevin Tranchemontagne ! C’est lui qui, sans avoir jamais rien lu que l’almanach de la Mère Seigel, s’est monté une bibliothèque magnifique, où les livres, reliés en plein chagrin, portent, sur le dos, en lettres d’or, son propre nom.

— Pourquoi ? Comment ?

— Il faut que tu ailles chez lui pour voir ça. Tu lirais ceci, sur certain rayon : « Oraisons funèbres », et, au-dessus de ce titre : « Émile Tranchemontagne ». Le nom de Bossuet n’apparaît nulle part. Il en est de même de certains mémoires célèbres, qui, au lieu de la griffe de Chateaubriand, portent celle de notre aigle municipal… Tiens, voici le député Brisefer. C’est lui qui, recevant d’Europe une copie de la Vénus de Milo, poursuivit la compagnie de transport pour avoir