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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/170

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les demi-civilisés

que nous avions marché vers l’indépendance. Nous avions démontré que l’histoire du monde ne se résume pas nécessairement à la lutte entre Lucifer et Michel ; que l’art est un fait humain avant d’être un fait doctrinal ; que la critique et la biographie littéraires ne doivent pas être dominées par le seul souci de l’apologétique ; que le privilège de l’enseignement ne peut, sans danger pour l’esprit, le cœur, le jugement et la science, appartenir exclusivement à une caste qui se veut hors du siècle ; que la philosophie n’est pas nécessairement confinée à certains manuels écrits en mauvais latin et que la floraison des opinions est aussi indispensable à la civilisation que l’air aux voies respiratoires. Nous avions fait entendre ces vérités et bien d’autres, mais nous les avions enveloppées dans un manteau de douceur, de modération, de demi-teintes. Nous n’avions pas porté d’attaques directes, pas de ces coups droits qui font bondir comme sous le fouet. Je fis venir Hermann et lui dis :

— Vous avez écrit un article qui nous attirera des ennuis. Attendez-vous à une levée de boucliers. Votre signature vous vaudra non seulement les injures de toute la presse, mais aussi la fermeture de plusieurs salons de chez nous. Les mères de famille, vous voyant, se signeront en disant à leurs enfants : « Voici le diable en personne ! »

— Pensez-vous vraiment que ce soit aussi grave ? Si j’exalte le Christ de l’Évangile, que j’aime, pour l’op-