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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/180

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les demi-civilisés

mais rien. N’avez-vous pas observé que ce sont, le plus souvent, les mécontents d’un peuple qui sont le plus attachés, le plus dévoués à ce peuple ?

— Vous avouerez que vous en abusez, du mécontentement.

— Vous êtes content, vous ? Content de vous-même, content de tous et de tout ? Vous êtes fier de la génération que vous représentez ?

— Notre histoire devrait suffire.

— Nous en parlons trop, de notre histoire. Nous imitons les Hindous, qui, arriérés, crasseux, miteux et ignorants, s’efforcent, par la lecture de vieux textes, de se persuader qu’ils valent les blancs qui les dominent et les bottent au derrière. Devant les Anglais et les Américains, qui nous dépassent par l’action, la fortune, les arts et même la force physique, nous allons nous cacher sous notre histoire comme des marmots humiliés sous la jupe de leur mère.

Une petite femme brune, malingre et prétentieuse, glapissait du fond du grand salon :

— Vous êtes pourtant un Canadien, vous ?

— Oui, je le suis, mais c’est toujours un signe de force spirituelle que de ne pas se laisser posséder par le fanatisme de famille. Pour juger la valeur d’une nation, il faut se placer solidement sur le plan humain. Autrement, on est le hibou disant à l’aigle qu’on reconnaîtra ses petits à ce qu’ils sont mignons.