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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/187

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les demi-civilisés

rien n’existait au monde que cette créature qui eût suffi à remplir dix vies comme la mienne. Les souvenirs de nos intimités anciennes m’assaillaient par masses. Tous ses jolis mots qu’elle savait si bien dire ou écrire, me revenaient ensemble. Un jour, dans un élan passionné, elle m’avait dit : « Je voudrais posséder les cœurs de toutes les femmes de l’univers pour t’aimer comme je le désire. » À ce moment-là, pensais-je, notre amour était si haut, si vaste, si brûlant et si véhément, qu’aucune expression humaine n’eût pu le décrire.

Après un long silence, elle me demanda :

— Que comptes-tu faire ?

— Que ferais-tu à ma place ?

— Moi, ô moi, tu sais bien que je ne céderais jamais, entends-tu, jamais !

— Crois-tu que je céderais davantage ?

— C’est justement pour m’en assurer que j’ai pris, ce soir, le risque de venir.

— Le risque ?

— Je t’en supplie, Max, ne me pose pas de questions. Je te dirai seulement, avant de partir pour toujours, de garder ta personnalité, ton œuvre. Si tout cela qui est toi et que j’ai aimé, qui est tout ce que j’aimai jamais, tout ce que j’aurai aimé avant de mourir, venait à périr, vois-tu, il se trouverait que je n’aurais rien chéri de vrai en ce monde, que je me serais trompée dans ce