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Page:Harvey - Les demi-civilisés, 1934.djvu/95

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les demi-civilisés

personnalité de millions d’hommes, j’aurai, moi aussi, le courage de marcher à deux pieds sur le cœur artificiel que nous font les mensonges de l’ambiance, et je me réaliserai toute en toi, âme et chair.

— Je jure qu’il en sera comme tu dis.

— Et maintenant, Max, puis-je te poser une question ?

— Je veux bien.

— Penses-tu qu’il soit nécessaire de nous épouser pour nous aimer ?

— Évidemment non.

— Alors, veux-tu, nous attendrons quelques années avant de river nos chaînes ?

— J’avoue que ce langage, dans la bouche d’une jolie fille, me jette dans l’étonnement.

— Je parle ainsi parce que je chéris cette liberté que nous avons d’être l’un à l’autre sans contrainte, sans contrat. Comprends bien ! Le jour où l’un de nous pourra dire à l’autre : « Maintenant, tu n’as plus le droit de ne pas m’aimer », ce jour-là…

— Ce jour-là, le devoir voudrait peut-être régenter l’amour, et l’amour se cabrerait.

— N’est-ce pas ? Et puis, j’ai vingt-deux ans à peine, j’en avais dix-huit lorsque je quittai le pensionnat. Les religieuses, grandes dames, tenaient du dix-septième siècle plutôt que du vingtième. Elles créaient autour de nous une atmosphère de Sévigné et de Fénelon. Elles nous apprenaient à faire à la Maintenon un salut qui