Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 1.djvu/109

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l’oisiveté produit, dût suffire pour les rendre recommandables. Du moins sont-elles en ce point exemptes de blâme, qu’elles ne sont pas aucunement nuisibles à la foule du peuple, non plus que le reste de mes innocentes inventions ; étant permis à chacun de s’en passer, si bon lui semble.

» La difficulté que je dis rencontrer en la composition de mes gazettes et nouvelles n’est pas ici mise en avant pour en faire plus estimer mon ouvrage : ceux qui me connaissent peuvent dire aux autres si je ne trouve pas de l’emploi honorable aussi bien ailleurs qu’en ces feuilles ; c’est pour excuser mon style, s’il ne répond pas toujours à la dignité de son sujet, le sujet à votre humeur, et tous deux à votre mérite. Les capitaines y voudraient rencontrer tous les jours des batailles et des siéges levés ou des villes prises ; les plaideurs, des arrêts en pareil cas ; les personnes dévotieuses y cherchent les noms des prédicateurs, des confesseurs de remarque. Ceux qui n’entendent rien aux mystères de la cour les y voudraient trouver en grosses lettres. Tel, s’il a porté un paquet en cour, ou mené une compagnie d’un village à l’autre sans perte d’hommes, ou payé le quart de quelque médiocre office, se fâche si le roi ne voit son nom dans la Gazette[1]. D’autres y voudraient avoir ces mots de monseigneur ou de monsieur répétés à chaque personne dont je parle, à faute de remarquer que ces titres sont ici présupposés comme trop vulgaires, joint que ces compliments, étant omis en tous, ne peuvent donner jalousie à aucuns[2]. Il s’en trouve qui ne prisent qu’un

  1. En cherchant sur la brèche une mort indiscrète,
    De sa folle valeur embellit la Gazette.

    (Boileau.)

    D’éloges on regorge, à la tête on les jette,
    Et mon valet de chambre est mis dans la Gazette.

    (Molière.)
  2. Ainsi ce fut une règle constante pour la Gazette de ne jamais qualifier personne de monsieur. En parlant des gens titrés, elle les désigne par leur titre : le marquis, le comte, etc. ; toutes les autres personnes, si distinguées qu’elles pussent être, sont dénommées le sieur. Cet usage était fondé, selon les rédacteurs, sur ce que la Gazette de France était celle du gouvernement, et rédigée sous son autorisation, à l’exclusion des autres. Voltaire dit à ce sujet (Encyclopédie, vo Gazette) : « Les Gazettes de France ont toujours été revues par le ministère ; c’est pourquoi les auteurs ont toujours employé certaines formules qui ne paraissent