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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/177

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L’AMOUR DU BEAU

les noires solives du plafond, tantôt ne jetant plus qu’une lueur sombre, suivant que le monstrueux soufflet envoyait ou retenait les bouffées de sa puissante respiration. Dans les instants de clarté, l’on pouvait distinguer jusqu’aux moindres objets pendus dans l’atelier ; l’instant d’après, on ne voyait plus qu’un rouge brasier qui semblait devenu le centre d’une obscurité sans limite.

Auprès du foyer se tenait un homme aux formes athlétiques, dont le visage, chaudement éclairé par le feu, était digne du cadre pittoresque dans lequel il était placé. Au même moment, il tira du milieu des charbons une barre de fer rougie à blanc, la plaça sur l’enclume, et, levant son bras musculeux, fit jaillir une gerbe d’étincelles sous les coups cadencés de son lourd marteau.

— Quel beau spectacle ! s’écria le vieil horloger. J’ai longtemps travaillé l’or, mais il n’est rien de comparable à l’ouvrier qui travaille le fer ; du moins son labeur a quelque chose de solide et de réel. Qu’en dis-tu, mon enfant ?

— Je vous prie, mon père, ne parlez pas si haut, Robert Danforth pourrait vous entendre.

— Eh bien, que m’importe qu’il m’entende ? Je le maintiens, il n’est rien de tel que de compter seulement sur sa force physique et de ne devoir son pain qu’à la vigueur de son bras. Un horloger a la tête bientôt fatiguée de l’enchevêtrement de ses rouages. À ce métier, on détruit sa santé et l’on perd sa vue, comme cela m’est arrivé. Puis on se trouve, à peine au sortir de l’âge mûr, incapable de travailler à son état et impropre à en entreprendre un autre, trop pauvre cependant pour vivre dans l’aisance. Aussi, je le répète, je ne crois plus qu’au salaire qui est le prix de