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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/182

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CONTES ÉTRANGES

pour donner un seul coup de marteau que vous n’en avez dépensé dans toute votre vie.

— C’est très probable, répondit Owen de sa voix douce : la force est une puissance à laquelle je ne prétends nullement ; la mienne, quelle qu’elle soit, est toute spirituelle.

— Bon mais à quoi passez-vous d’aussi longues soirées, mon vieux camarade ? Il y a des gens qui prétendent que vous cherchez le mouvement perpétuel.

— Le mouvement perpétuel, quelle absurdité ! répliqua le jeune homme avec un sourire de mépris, jamais on ne le découvrira, c’est une chimère qui peut abuser des hommes encore occupés de la matière, mais non pas moi. Enfin, en supposant même que cette découverte fût possible, elle ne mériterait pas qu’on s’en occupât, car elle serait tout au plus bonne à remplacer la vapeur. Pour moi, tout ce que je puis vous dire, c’est que je ne songe point à inventer une nouvelle machine à coton.

— Oh ! je m’en doute bien, s’écria le forgeron en poussant un rire si bruyant que les cloches de verre de l’établi se mirent à trembler à l’unisson ; mais je vous fais perdre votre temps, je m’en vais, bonne nuit et bon succès, Owen ; vous savez, j’ai toujours un bon coup de marteau sur l’enclume à votre service.

Et, poussant un nouvel éclat de rire, le robuste représentant de la force physique sortit du magasin.

— C’est étrange, murmura tout bas Owen Warland en laissant retomber son front dans sa main, le but de mes incessantes pensées, ma passion pour le beau, ma conviction que j’arriverai à le créer, tout cela me semble si vain, si futile, chaque fois que je me trouve en contact avec ce