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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/209

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LES CAPRICES DU SORT

chambre à coucher, les uns à pied, d’autres à cheval, ou traînés dans des véhicules de toute sorte. Il y en eut qui le frôlèrent sans même l’apercevoir, quelques-uns l’entrevirent ; mais deux pas plus loin, ils ne pensèrent plus à lui ; quelques-uns sourirent en passant, de le voir si profondément endormi ; d’autres enfin, gens au cœur débordant de mépris, jetèrent en le voyant quelque dédaigneuse exclamation. Une veuve sur le retour, profitant d’un instant où il ne passait personne, pencha la tête entre les arbres, et, après l’avoir attentivement considéré, elle se dit, in petto, que le dormeur était un charmant garçon. Le président d’une société de tempérance s’étant arrêté à le considérer, le prit pour un homme ivre et, chemin faisant, l’intercala dans un discours qu’il devait prononcer le soir même, se promettant bien de le présenter à ses auditeurs comme un funeste exemple de cette ivrognerie qui jette ses victimes abruties sur le bord des routes. Mais censure, compliment, mépris, gaieté, indifférence, qu’importait à notre ami David ?

Il y avait peu d’instants qu’il s’était endormi, lorsqu’une berline, attelée de deux chevaux bais, s’arrêta près de l’endroit où reposait le jeune homme. Une roue qui menaçait de sortir de l’essieu, sans heureusement causer aucun accident, avait commandé ce temps d’arrêt qui avait un moment alarmé un vieux négociant de Boston et sa respectable épouse, les propriétaires de cette voiture. Tandis que le cocher et le domestique s’évertuaient à remettre la roue, le marchand et sa femme vinrent se réfugier à l’ombre du bouquet d’érables, où ils découvrirent, près de la source, David Swan au plus fort de son sommeil. Cédant