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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/228

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CONTES ÉTRANGES

belle statue qu’homme ait jamais tirée d’un morceau de bois ; et comme vous êtes le plus capable de répondre à mon désir, je suis venu vous trouver, mon cher Drowne.

— Vous voulez me flatter, capitaine, répondit le sculpteur, déguisant sous un air modeste le plaisir que lui causait un éloge dont il se sentait digne ; cependant je vous promets de faire de mon mieux en l’honneur de votre bon navire. Regardez ces modèles et dites lequel vous préférez. Voici, dit-il en lui montrant un buste constellé de décorations, dont la tête était couverte d’une perruque neigeuse et le torse revêtu d’un habit écarlate de la meilleure coupe, voici le portrait de notre gracieux souverain ; voici le vaillant amiral Vernon, ou, si vous préférez une figure de femme, je puis vous donner une superbe Britannia avec son trident.

— Tous ces modèles sont fort beaux, assurément, répondit le marin, mais comme mon brick n’a pas son égal sur l’Océan, je veux lui faire présent d’un buste comme jamais le vieux Neptune n’en a vu. Enfin, si vous voulez me promettre le secret sur cette affaire, je vais vous confier ce dont il s’agit.

— Bien volontiers, fit Drowne, qui ne comprenait pas ce qu’il pouvait y avoir de mystérieux dans un objet nécessairement destiné à être vu par tout le monde, vous pouvez compter sur mon absolue discrétion.

Le capitaine Hunnewell, prenant alors Drowne par un bouton de son habit, l’attira près de lui et lui communiqua son désir sur un ton si bas, qu’il y aurait véritablement indiscrétion de notre part à répéter ce qui ne devait être entendu que du sculpteur. Profitons de ce moment d’intervalle