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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/246

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CONTES ÉTRANGES

femme et s’était glissé dans ses vêtements. Et cette idée prenait d’autant plus de consistance que mistress Bullfrog avait disparu sans qu’il restât la moindre trace de cette femme adorée.

— Allons, monsieur, dépêchez-vous d’aider ce misérable à redresser sa voiture, me dit l’apparition.

Puis, jetant les yeux sur trois paysans qui se tenaient à quelque distance, tranquilles spectateurs de cette scène :

— Eh bien, vous autres, qu’avez-vous à rester ainsi plantés sur vos jambes quand vous voyez une femme dans un pareil embarras ?

Les paysans, au lieu de fuir comme je m’y attendais, accoururent avec empressement et commencèrent à soulever la caisse de la voiture. Je me mis également à l’œuvre malgré mon peu de force et l’exiguïté de ma taille ; enfin le conducteur suivit mon exemple, bien que le nez lui saignât encore avec abondance, dans la crainte sans doute qu’un troisième soufflet ne lui brisât le crâne. Et cependant, tout abîmé qu’était le pauvre garçon, il jetait sur moi des regards de commisération, comme si ma position avait été plus déplorable encore que la sienne. Ne pouvant m’ôter de l’idée que je rêvais tout éveillé, je guettais le moment où les roues retomberaient sur le sol pour y placer deux doigts de la main gauche ; la douleur m’eût infailliblement réveillé…

— Que faisons-nous là, puisque tout est réparé ? demanda derrière moi une voix pleine de douceur ; merci de votre assistance, mes amis….. Comme vous transpirez, monsieur Bullfrog, laissez-moi essuyer votre visage…. il ne faut pas prendre cet accident trop à cœur, cocher ; nous sommes encore bien heureux de n’avoir point le nez cassé.