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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/257

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M. WAKEFIELD

cellence — le prit par la main et le guida, sans qu’il s’en aperçût, jusqu’à sa porte, où il se surprit la main sur le bouton. Wakefield ! où alliez-vous ?

À cet instant, sa destinée tourna sur le pivot du hasard. Un caprice du sort le fit reculer d’un premier pas, d’un second, puis s’enfuir comme un larron, sans oser tourner la tête, jusqu’à ce qu’il eût dépassé le coin de la rue. L’avait-on vu ? Est-ce que toute sa maison, mistress Wakefield, la servante et le petit domestique n’allait pas se mettre à la poursuite de son maître et seigneur ? Il recueillit tout son courage pour s’arrêter et regarder son ex-domicile.

Étrange phénomène de l’esprit ! il lui sembla qu’il s’était opéré dans l’édifice un changement analogue à celui qui nous frappe dans une montagne, un lac, un monument, que nous n’avons pas vus depuis longtemps. Dans les cas ordinaires, cette impression est causée par le contraste qui existe entre l’infidélité de nos souvenirs et la réalité. Chez Wakefield, il avait suffi d’une seule nuit pour causer cet affaiblissement des facultés mnémoniques, parce que, à son insu, il s’était opéré dans son être un grand changement moral.

Au moment où il allait se retirer, il aperçut sa femme, qui jeta, en passant devant sa fenêtre, un regard distrait sur la rue, et notre imbécile prit une seconde fois ses jambes à son cou, poursuivi par l’idée qu’au milieu de tant de personnes, l’œil de mistress Wakefield était parvenu à le distinguer. Il ne fut rassuré que lorsqu’il se retrouva seul devant le foyer éteint de son nouveau logement.

Quelque temps après, nous retrouvons notre héros qui, après plusieurs jours de solitaires et laborieuses réflexions,