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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/28

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CONTES ÉTRANGES

après payer de sa vie cette ineffable satisfaction. Son esprit dégagé des terreurs de l’humanité, avait pris un majestueux essor et planait dans les régions éthérées.

Le bruit des pas d’Aylimer la tira de sa rêverie ; il arrivait, tenant à la main une coupe de cristal à moitié remplie d’un liquide incolore et transparent comme de l’eau de source. Il semblait plus pâle encore que d’habitude.

— La préparation de ce breuvage, dit-il en répondant à un regard de sa femme, a parfaitement réussi. Il doit être infaillible, ou la science n’est qu’un mot.

— Je suis entièrement décidée, répondit Georgina, à tenter ce dernier moyen ; peut-être, si j’étais plus clairvoyante, aurais-je lieu de trembler, comme peut-être aussi ma confiance serait absolue si j’avais votre science ; mais la mort n’a plus rien qui m’effraye : je suis préparée.

— Pourquoi ces affreux pressentiments ? reprit Aylmer ; voulez-vous voir un des merveilleux effets de cette liqueur ? Regardez.

Dans une élégante jardinière végétait un géranium pourpre, dont les feuilles jaunies attestaient l’état maladif ; le chimiste versa quelques gouttes de liquide sur la terre qui l’entourait, l’eau resta un moment à la surface, puis, s’infiltrant lentement, eut bientôt disparu, ne laissant sur le terreau qu’une faible trace de son passage. Un instant après, lorsque l’humidité eut pénétré jusqu’aux racines, on vit les feuilles reprendre leur fraîcheur première, et la plante se redressa brillante et pleine en apparence d’une sève vigoureuse.

— Je n’avais pas besoin de cette expérience, dit la jeune femme ; donnez-moi ce verre, votre parole me suffit.