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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/82

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CONTES ÉTRANGES

œuvre bienveillante, un instrument à sa guise, et s’éloignant du type qu’il avait rêvé.

— Silence ! cria-t-on, silence ! le général va parler.

En effet, après divers toasts portés à sa santé au milieu des cris et des applaudissements, Sang-et-Tonnerre s’était levé pour exprimer à ses concitoyens toute sa gratitude. Ernest put voir alors le vieux héros, avec ses brillantes épaulettes et son hausse-col brodé d’or, dominant la foule de sa tête altière qu’ombrageaient les lauriers et sur laquelle se balançait la bannière compagne de ses exploits. Mais il pouvait du même coup d’œil apercevoir la Grande Figure de pierre. Était-ce bien là cette ressemblance tant vantée ? Hélas il ne la pouvait découvrir. Il voyait, il est vrai, un visage usé par les fatigues de la guerre, battu par les orages de la vie, empreint d’une vaillante énergie et des traits caractéristiques d’une inébranlable volonté ; mais il n’y voyait point briller cette auguste sagesse, cette tendre et profonde sympathie, dont il connaissait l’admirable expression.

— Non, dit-il en se frayant un passage à travers la foule, non, ce n’est pas encore l’homme de la prophétie ; il faut attendre.

Des nuées vaporeuses avaient, pendant ce temps, environné la montagne d’où l’on voyait surgir l’imposante figure, semblable à un ange puissant, revêtu de pourpre et d’or. En la considérant, Ernest crut voir rayonner un sourire bienveillant et silencieux sur sa face lumineuse. Peut-être n’était-ce qu’une illusion produite par les rayons du soleil couchant qui se jouaient dans les zones de vapeurs interposées entre ses yeux et la montagne, néanmoins l’as-