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Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/22

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Les Aarons à leurs pieds renverser les Dathans,
Les Bajazets tomber aux fers des Tamerlans.
Dans mon cœur détrompé tout portoit l’épouvante,
L’effroi glaçoit mes sens, quand de sa main puissante
L’inconstante déesse, un bandeau sur les yeux,
Saisissant au hasard un de ces orgueilleux,
Elle-même le place au plus haut de son trône.
C’est là que sous le dais l’ambitieux s’étonne,
Se plaint d’être à ce terme où son cœur doit sentir
Le malheur imprévu d’exister sans desir.
Eh quoi ! dit-il, frappé de terreurs légitimes,
Consumé de remords allumés par mes crimes,
Entouré d’ennemi prêts à me déchirer,
J’aurai donc tout à perdre, et rien à desirer !
Oui, ces ambitieux à qui l’on rend hommage,
Sages aux yeux du fou, sont fous aux yeux du sage.
Il vous dira qu’un grand n’est rien sans la vertu ;
Que, de quelque splendeur qu’un Dieu l’ait revêtu,
Il n’est à ses regards qu’un léger météore
Qui brille de l’éclat du feu qui le dévore.
Grand, accablé d’ennuis, affaissé sous leur poids,
Tu souffres chaque instant les maux que tu prévois.
Je fuis de tes tourments le spectacle funeste.
Sagesse, arrache-moi d’un lieu que je déteste.