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Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/98

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Le sage, qui connoît ses causes invisibles,
Observe en les hãtant ses progrès insensibles.
Tout se meut à ses yeux ; mais aux regards des sots
Le mobile univers est toujours en repos.
A des yeux aveugles vainement la nature
Au signe des gémeaux se couvre de verdure ;
Que l’astre de la nuit déploie au haut des airs
Les voiles argentés qu’il étend sur les mers ;
Que l’amant de Thétis, éveillé par l’Aurore,
Rende la forme au monde, et ses couleurs à Flore,
Brise ses traits de feu dans le prisme des eaux,
Et seme les rubis sur la cime des flots :
L’univers, devant lui dépouillé de sa forme,
Ne lui présente rien qu’une nuit uniforme.
Semblable à cet aveugle, et bien plus malheureux,
Pour les beautés des arts le stupide est sans yeux.
A l’étude des mœurs jamais il ne s’abaisse,
Et le moment présent est le seul qu’il connoisse.
Il lut dans l’avenir, ce hardi Richelieu
Dont la faveur prodigue accueilloit en tout lieu
Les arts et les talents pour les fixer en France.
Il espéroit par eux affermir sa puissance ;
Il sentoit leur pouvoir, et qu’en tous les climats
Les arts changent les mœurs, et les mœurs les états.