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Page:Henri Béraud - Le Martyre de l'obèse, 1922.djvu/16

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et le connaîtront encore, parce qu’il en est, monsieur, de la corpulence comme de l’âge : l’un et l’autre viennent sans crier gare, et si doucement qu’on ne les croit jamais arrivés. Et quand ils arrivent, il est trop tard : il n’y a plus de remède.

Le jour où j’atteignis cent kilos… Ah ! ce jour-là me remplit d’un chagrin si pathétique, monsieur, que je poussais, sur la bascule, de vrais cris de tragédien. Puis, comme il arrive toujours après les grandes douleurs, je sombrai, trois mois durant, dans la trouble mélancolie des bêtes à l’étable.

Bah ! il faut en prendre son parti : « Grosses gens, bonnes gens », dit un proverbe de ma province. S’il dit vrai, la terre porte quantité de braves bougres, car les bons ventrus, Dieu merci, ne sont pas aussi rares que les bons ministres. Là-dessus, j’ai une petite chose à dire, c’est qu’on aurait bénéfice à choisir les politiciens parmi les gens gras : ce serait le plus sûr moyen de ne point avoir à les engraisser.