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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/199

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.


plant de salades. Jean Desbrosses, le disciple bien-aimé, l’arrosait chaque soir, avec une ponctualité qui donna bientôt les plus beaux résultats. Laitues et romaines pommèrent à l’envi. Chintreuil, qui était à la fois le « maître » et le « chef » de la petite bande qu’il avait groupée autour de lui, s’ingénia, en ménagère économe, à utiliser jusqu’à la dernière ces herbes estimables. Il les servit à ses hôtes sous toutes les formes, et les mit à toutes sauces ; il imagina des combinaisons inédites qui laissaient loin derrière elles les classiques recettes de la cuisinière bourgeoise. Il arriva plus d’une fois que la laitue prit, dans la marmite, la place légitime du chou, et y vécut dans un concubinage effronté avec le petit salé. C’était chaque jour quelque nouveau méfait de la part de ces salades subversives. Elles parurent accommodées au jus, au blanc, hachées, sautées.

Quelque talent que Chintreuil déployât pour relever, à force d’aromates, ce légume monotone, il ne put faire si bien qu’une clameur générale ne s’élevât enfin contre l’apparition quotidienne des éternelles chicoracées. Toute la récolte y passa cependant ; mais Desbrosses eut soin, l’année suivante, de cultiver, au lieu