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Page:Henriet - Le paysagiste aux champs, 1876.djvu/49

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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.

Un laboureur s’était arrêté depuis quelques instants près d’un paysagiste qui peignait une vue des bords de l’Oise et s’efforçait de fixer sur sa vivante ébauche les chatoiements de la lumière sur les eaux transparentes. Le cultivateur, tout en regardant courir sur la toile la brosse alerte de l’artiste, se comparait mentalement à cet oisif et s’adjugeait in petto l’avantage ; mais il était bon prince : « Peuh ! — fit-il en manière de concession, — il n’y a pas de sot métier… »

Il disait juste, car le peintre, c’était Daubigny, et nul n’a plus victorieusement prouvé que le paysage n’est pas un sot métier…

Quelquefois le paysan le prend sur un ton de persiflage tout à fait disgracieux.

« A quoi qu’ça sert, ce qu’ous faites là ? est-ce qu’ous ne feriez pas ben mieux de venir m’aider à conduire ma charrue ?

— Comment ! à quoi que ça sert ; s’écria le peintre piqué au vif, mais ça sert à nourrir une famille, à élever des enfants… »

Voici bien le plaisant de l’affaire ! c’était un célibataire impénitent, Corot, qui recourait à cette argumentation, la seule d’ailleurs qui eût quelque chance de triompher en pareille circonstance.