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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/20

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MAJOGBÉ.

sagesse des anciens. Vous êtes fous. Des esprits mauvais habitent sous vos crânes. Vous ne savez pas que les anciens agissent toujours d’après les prudents conseils des bons génies. Vous riez. Vous serez punis. Si vous laissez vivre cet enfant, un jour il vous tuera. Quand il sera grand, il vous tendra des pièges et il vengera son père.

— Il est trop jeune. Il oubliera.

— Et puis il sera mon esclave.

— Elado saura bien le dompter.

— Le changer.

— Jamais, reprit Maté ! J’ai encore sur mon visage la brûlure de son regard lorsqu’il m’a menacé. Croyez-moi, la sagesse et la prudence sont en mon esprit. Si vous n’êtes point des malheureux, si les dieux ne vous ont point condamnés, il faut que cet enfant meure. J’ai vu. Il n’oubliera point. Jamais vous n’aurez un jour de sécurité, une nuit de repos tant que Majogbé pourra tenir un couteau. Jamais vous ne serez sûrs de boire et de manger la vie tant que Majogbé pourra jeter le poison dans votre caloulou, dans votre pitou. Jamais !

Le vieillard était animé. Voyant l’avenir, il parlait comme un babalao. Elado ne lui donna point le temps de convaincre les Ogbonis, qui déjà hésitaient. Il se fâcha.

— Eh quoi ! seriez-vous des femmes, avez-vous dans le corps du sang d’hommes ou de l’eau de vieillards peureux ! Vous trembleriez parce que cet