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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/23

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MAJOGBÉ.

ténèbres, il gagna le bois maudit. Dans l’obscurité, sans redouter les diables qui auraient pu le tuer pour conserver leur proie, il creusa une fosse et enterra le supplicié. Il suivit les rites qui assurent l’éternel repos. Il avait volé un coq du temple. Il en répandit le sang au-dessus de la tombe et prononça les paroles que dans les funérailles les femmes chantent. Il se rappelait que son père avait droit aux honneurs des chefs. Il fit avec l’huile féconde — également volée au temple — les sacrifices consacrés. Puis il adora et pendant toute la nuit il resta prosterné. Lorsque les coqs chantèrent pour la seconde fois, il quitta la forêt lugubre.

Majogbé ne pouvait remonter en ville par les rochers. Il passa dans la campagne et revint par le grand chemin. L’onibodé de garde aux murs, les yeux gros encore de sommeil, ouvrait à peine la lourde porte de bois, lorsque l’enfant s’y présenta. Cet homme lui dit :

— Tout le peuple te croyait mort, mangé par Oro. D’où viens-tu ? Personne ne t’a vu sortir par aucune porte. Ton maître Elado te réclame. Rentre vite dans sa maison et gare les verges !

Majogbé se hâta, suivant les venelles rocailleuses entre les murailles rouges des maisons. Les bonnes