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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/26

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MAJOGBÉ.

Il se rappelait les dernières paroles du père, quand, serré à ses côtés, il avait été précipité sur le sol, étouffé sous les nattes des Ogbonis.

— Si on ne te tue point, avait dit Kosioko, si on ne te jette point dans le bois maudit avec mon cadavre, regarde bien. N’oublie jamais ce que tu as vu, ce que tu entends. Lorsque tu seras grand, tu me vengeras, lu Le vengeras. Les dieux sont justes. Maté ne peut mourir que de ta main. Elado ne peut être tué que par toi. Et tous ceux que tu vois ici, tous ceux qui me condamnent injustement pour me voler, pour te prendre ce qui serait à toi, tous ceux-là, tu les tueras. Tu frapperas eux, leurs femmes, leurs enfants, leurs esclaves et leurs bêtes ; n’oublie rien !

L’enfant était sûr de ne pas oublier. Le nom de ses ennemis, de céux qui devaient tomber sous ses coups, en victimes expialoires, il l’avait mis dans ses oreilles, dans ses yeux et dans son cœur. Toujours il entendrait, toujours il verrait jusqu’à l’heure de la mort l’Ologbo Oro, le cruel Maté. Le mangeur d’hommes serait à son tour mangé ! Et ce maître chez lequel il se rendait, Elado ! Et les Ogbonis, Sigo dont la maison touchait l’Oluman ; et Okutolu, fier de son palais plus beau que celui du roi ; et les autres, Balisé, Ogudeï, Goutoë et le traître Agbaki ! Par le fer, le feu et le poison, il les atteindrait. Il ferait de leurs maisons des lieux maudits comme celui où il se trouvait.