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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/28

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MAJOGBÉ.

— Si Maté m’avait pris, il m’aurait tué, tu le sais bien.

— Non. Seul Maté a pu te faire disparaître, et il ne t’a pas tué parce qu’il me craint.

— Je comprends.

— Alors c’est lui ?

— Je comprends.

L’enfant réfléchissait. Il se demandait ce qu’il devait dire, et comme les gens de sa race, il employait le national « je comprends », qui permet d’éluder les questions embarrassantes et donne le temps de trouver la réponse utile. Le chef Elado voulait mieux ; il désirait un « oui » bien net qui fortifiât son soupçon ; il tenait aussi à connaître certains tours du vieux prêtre, qui, jusqu’alors, lui avaient échappé. Quelquefois il doutait, se demandait si Maté, disposant de sorciers puissants, ne jouissait pas d’un pouvoir surhumain. Et il éprouvait des peurs devant cet homme aux eux de chat, dont la lèvre avait des sourires de bête de carnage. Il l’avait mortellement insulté, il était entré en lutte avec lui, il savait que Maté se gardait, il se gardait lui-même. Mais, très fort contre les hommes, il se sentait faible contre les dieux.

Majogbé devinait qu’il ne devait point dire ce que son maître paraissait désirer avec passion. A de nouvelles questions, il répondit :

— Je ne sais pas comment… J’ai été enlevé du temple par le dieu, j’ai cru que j’allais mourir, j’ai