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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/52

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MAJOGBÉ.

frappaient les cymbales, raclaient les violes, et que les femmes, agitant mollement, caressantes, leurs pagnes, chantaient, sur un rythme lent, les adieux et les souhaits de bon retour, les pirogues, chargées, filèrent au courant, habilement dirigées par les pilotes, qui n’écoutaient plus les chants, ne regardaient plus les femmes et, pour rendre plus efficaces les prières des féticheurs, guettaient les écueils et les rochers.

Banyane avait dit à Majoghé : « Quand tu seras chez les blancs d’Eko, tu chercheras ce qu’ils ont de plus beau et tu m’apporteras un présent. »

Majogbé chercha beaucoup. Il voyait dans cette ville bien des choses nouvelles qu’il n’avait point rêvées et qui dépassaient ses notions de l’être. Mais il regardait et ne s’étonnait point. Un des marchands auxquels il avait vendu son huile, un jeune homme aussi, apprenant qu’il venait pour la première fois à la côte, s’était promené avec lui tout un jour et, soucieux de lui donner la vue des « merveilles » des blancs, lui avait montré tout ce qu’il croyait capable de l’étonner.

Il l’avait fait manger à sa table et lui avait ouvert sa maison, ses appartements — dans lesquels l’Anglais sait si bien réunir tout ce qui rend l’exil supportable, confortable. Il lui avait expliqué les mystères de ses meubles, de ses lits, de ses tables…