Aller au contenu

Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
57
MAJOGBÉ.

la langue, faisait de petits yeux, et disait, après un instant, lorsque la douce brûlure lui avait chauffé tout le corps :

— C’est bon !

Pour faire place aux arrivés nouveaux, il s’en allait. En un coin de cour, sur une galerie, couché dans son manteau, il suivait le rêve de feu mis par l’alcool dans son être.

Maté, comme les autres chefs, était venu.

— Eh bien, quel présent as-tu acheté pour moi ? En serai-je content ? avait-il dit, haineux, à Majogbé.

— Très content, avait répondu le jeune homme. Jamais personne ne t’en a offert un semblable… Et quand tu l’auras reçu, personne non plus ne pourra suivre mon exemple. Seul, j’ai trouvé ce qui convient à ta grandeur… mais il faut attendre. Mon présent est si beau que je veux te le donner dans un jour de grande fêle, où il y aura beaucoup de joie. Tu verras alors, baba, combien je t’aime !

Au gynécée, le caquetage était grand. Les étoffes avaient été distribuées, et aussi les perles, les rubans, les bijoux de cuivre, de verre. Le partage soulevait des guerres, des drames. Les langues allaient rapides. Vierges, jeunes mères et vieilles femmes se disputaient, de la voix, du geste. Majogbé, entré pour entendre et voir, dut se sauver conspué. Il avait rapporté à Banyane des présents trop beaux : un pagne de velours comme seules les filles qui ont enfanté croyaient pouvoir en porter ; un collier de