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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/68

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MAJOGBÉ.

dévalant les pentes pour revenir dans la cité, un tumulte de croyants, de possédés.

Durant toute la journée et une partie de la nuit, mangea et but qui voulut. Sur tous les foyers allumés, des marmites pleines d’aliments bouillaient ; toutes les jarres à cuire le pitou fumaient.

Le lendemain, on fit dans la cour des ancêtres, sur les tombes, les sacrifices expiatoires avec les pleureuses. Dès l’aube, au chant du coq, deux cents femmes couvertes de loques, de haillons, la tête et la poitrine égratignées, souillées de boue et de poussière, pleurèrent, se lamentèrent et chantèrent, effrayantes, les cantiques en lesquels les morts sont regrettés et suppliés. On versa sur le sol des jarres d’huile et le sang de nouvelles victimes, non plus égorgées, mais dont le col avait été arraché par la main des jeunes hommes vigoureux. On tira des coups de fusil. Cinquante barillets de poudre furent brûlés. Jusqu’à ce que le soleil eût marqué les deux tiers de sa course dans le ciel, ce furent des détonations : continuelles, plus que dans une bataille de deux armées.

Les tambours battirent le matin, le jour et la nuit. On mangea encore et on but encore. Le soir, dans tous les coins, des hommes dormaient ivres. Les chiens les flairaient. Les femmes les enjambaient en riant.