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Page:Hess - L’Âme nègre, 1898.djvu/77

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MAJOGBÉ.

baladins et les musiciens. Il se trouva dans une terrible bataille qui révolutionna un quartier. Une fille d’Eko, une fille non mariée, venue avec des marchands, vendait du gin aux hommes dans une maison où on l’avait admise. Deux bandes, rivales à cause d’elle, après les insultes avaient tiré les couteaux et les sabres devant cette maison. Majogbé reçut deux blessures profondes, à la tête et à l’épaule. On le rapporta évanoui dans la maison d’Elado. Adamou, qui savait des médecines, mit sur ses plaies des onguents et des linges qui arrêtèrent le sang.

Majogbé était très faible. Il resta longtemps couché sur sa natte. Le vieux barbier, en revenant d’Eko, avait rapporté des outils de bourrelier, et maintenant travaillait le cuir. Il s’était installé près du malade ; il entretenait le feu qui le réchauffait pendant la nuit. Quand cela ne fatiguait pas le blessé, il lui causait, plein d’affection et de respect. Il voulait lui apprendre les vérités entendues chez l’homme blanc. Il en savait peu, mais ce peu lui suffisait pour se croire heureux et aussi bien supérieur aux autres noirs.

— Les hommes de ta race, lui disait-il, et ceux de la mienne vivent mal. Ils sont encore dans ce qui est mauvais. Le diable Échou les y tient avec jalousie, car il veut manger leurs âmes quand ils seront morts. Quelquefois même il habite en eux quand ils sont vivants. Il y a ici beaucoup d’hommes mé-