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Page:Hess - La Vérité sur l’Algérie, 1905.pdf/219

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bête affamée, c’est le bon appétit de France… un peu exagéré… comme les bonnes histoires de Marseille… et voilà tout.

En Alger, sur l’autre rive méditerranéenne.

Sur celle qui touche au sud les déserts où les êtres ont toujours faim, où les félins poursuivent des semaines la proie qui fuit, rare, où les fauves courent des jours et des nuits de la source boueuse à l’herbe maigre ;

Sur la rive en contact au nord avec la mer apporteuse d’émigrants aux dents longues, épaves d’Espagne, épaves d’Italie, épaves de Malte, épaves de partout, épaves humaines plus maigres que les bêtes du désert ;

Sur cette terre algérienne, quand l’affamé trouve la table servie… alors c’est bien le remplissage. Et le vrai.

Cet homme qui « engloutit », pourquoi sa hâte à vider assiettes, plats et saucières… pourquoi ? Ce n’est pas lui qu’il nourrit ; c’est toute une lignée de malheureux qui vécurent squelettes dans les Espagnes et dans les cimetières caillouteux des sierras ne rendirent à leur terre sèche que des os maigres. Et cet autre, et ces autres, ce qu’ils vengent en mangeant avec rage c’est toutes les misères des milliers de pouilleux qui n’eurent en des siècles que des poux à se mettre sous les dents pour faire gras dans les Pouilles.

C’est toutes les famines séculaires de la Méditerranée que la vieille mer en son reflux hispanique et latin, et grec, et syriaque, et maltais, et mahonnais jette sur Alger avec ses écumes…

Le Français dont les aïeux eurent moins faim, porté par sa destinée sur les mêmes rives, perdu en cette marée qui monte, comme les affamés de Catane ou de Valence, lui aussi croit qu’au lieu de man-