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Page:Hilaire Le Gai (Gratet-Duplessis) Un million d’énigmes, charades et logogriphes.djvu/279

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Je ne suis pas le pire encore,
Mais je suis le plus redouté.
Aux bons je dois ce juste hommage,
J’excite la pitié dans leurs cœurs généreux ;
En me plaignant, leur bonté me soulage.
Mais des méchants, qui sont bien plus nombreux,
J’ai le mépris et la haine en partage.
Vous savez tous, lecteurs, combien chez les Hébreux
La lèpre était jadis affreuse, abominable :
Je ne ressemble en rien à ce fléau honteux,
Et l’on me fait subir un destin tout semblable ;
On évite en tous lieux mon aspect importun.
Vous conviendrez pourtant que je ne suis pas vice.
Las ! on me traiterait avec moins d’injustice
Si j’avais l’honneur d’en être un,
Dans mes huit pieds on rencontre une pierre ;
L’ouvrier dont souvent elle lasse les bras ;
Un animal qui vit au centre de la terre ;
Une autre espèce à qui les chats
Ont toujours fait une cruelle guerre ;
Un fort bon mets, surtout s’il est natif d’Amiens ;
Un être précieux qui nous donne la soie ;
Dans ma tête seule je tiens
Une ville de France où l’on frappe monnaie.
Voilà bientôt, lecteur, mon portrait achevé ;
Dès qu’à mes yeux quelqu’un de vous se montre,
Les mains jointes, soudain l’œil au ciel élevé,
J’affecte d’un dévot le maintien réservé ;