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Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 1.djvu/576

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de l’ancienne médecine.

froid, ou le sec, ou l’humide ? Non, vous le guérirez par un bon régime, sans savoir dire quelles sont les qualités qui dominent dans les substances réparatrices que vous lui administrez. De plus, quand vous prescrivez une substance à un malade, pouvez-vous dire qu’elle soit simplement chaude, ou froide, ou sèche, ou humide, et n’est-elle pas douée d’une foule d’autres propriétés efficaces ? Il est donc vrai que votre hypothèse est en contradiction avec les faits.

Mais elle ne l’est pas moins avec la philosophie de la science, et c’est là l’argument général. Nul, dit Hippocrate, n’est autorisé à placer la médecine sur une hypothèse quelle qu’elle soit ; car la médecine a des faits positifs desquels il faut partir de préférence à toute supposition. Hippocrate ne permet l’hypothèse que là où les observations directes manquent, et il cite pour exemple les objets célestes ou les objets cachés sous la terre. Alors, retraçant l’enchaînement même de l’expérience médicale, et y rattachant la sûreté de la science, il reprend de haut le commencement de la médecine, il montre qu’elle a des analogies avec les améliorations que l’alimentation primitive des hommes reçut dans le cours des siècles ; puis il expose comment se révélèrent les mauvais effets de la nourriture dans les maladies ; et enfin il enseigne comment la médecine proprement dite est née de cet ensemble d’observations réelles et positives, découverte si belle et si utile qu’on a cru devoir la consacrer en l’attribuant à un Dieu. Cette vue de la naissance de la médecine est fondée sur de très anciennes idées. Ainsi Isocrate dit en parlant des Égyptiens : « Ils ont inventé la médecine pour le soulagement des hommes, non cette médecine qui use de remèdes périlleux, mais celle qui se sert de moyens aussi sûrs, dans leur emploi, que notre nourriture quotidienne, et qui est si avantageuse que les Égyptiens sont, de l’aveu de tous, le peuple le plus sain et vivant le plus long-temps[1]. » Strabon parle de même de la

  1. Isocr. in laude Busiridis.