il l’eut assez saigné, Regnaut lui banda sa plaie, et Allard prit le sang et le porta à cuire ; quand il fut bien cuit, ils en mangèrent un peu, ce qui les soutint. Regnaut et toute sa compagnie demeurèrent pendant quatre jours, qu’ils ne mangèrent rien autre chose. Au cinquième jour on voulut ressaigner Bayard, mais il était si faible, qu’il ne jetait point de sang. La duchesse se mit à pleurer et dit : Sire, puisque votre cheval ne rend plus de sang, tuez-le et vos enfans en mangeront, vous, vos frères et moi, autrement nous mourrons de faim. Je ne le puis faire, dit Regnaut, car il nous a toujours sauvé la vie.
Au temps passé était un homme fort ancien, qui
dit à Regnaut : Sire, je vois que nous mourrons
tous de faim, si Dieu n’a pitié de nous. Je vous
montrerai un chemin par où vous pourrez sortir
d’ici en toute sûreté, à l’insu de Charlemagne.
Vous devez savoir que cette place a été autrefois
bien fermée, le seigneur fit faire un chemin qui
conduit au bois de la Serpente ; il faut faire ouvrir
à l’endroit où je vous montrerai et vous y trouverez
le chemin. Regnaut fut content et dit : J’ai trouvé
ce que je désire, car je m’en irai à Dordonne, où
je serai en sûreté. Il fit seller Bayard et prit le