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Page:Hovine - Conte sous-marin, Annette et Doric, Fanfreluche, Papillon, 1918.djvu/57

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La Reine des Fées dit : « Écoute, ma vieille Boulmiche, ferme ta maison et prépare-toi à un grand voyage. »

La fée bougonna entre ses dents : l’âge l’avait rendue casanière. « Voici une goutte d’extrait de soleil (elle lui remit un flacon). Tu choisiras sur la terre le plus sage des hommes, et tu la lui feras boire. Il deviendra aussitôt le plus puissant d’entre eux. Je veux que la puissance soit jointe, pour une fois, au mérite et à la vertu. Va, et sois avisée. »

Boulmiche eut beau objecter qu’on était en train de repeindre la façade de sa maison et que son linge n’était pas en ordre :

« Tu en trouveras assez sur la terre, dit la Reine. Il y a été lancé par une de nos élégantes. Sois tranquille, je surveillerai tes ouvriers pendant ton absence, et je dorloterai même ton affreux griffon. » Elle donna une chiquenaude à Boulmiche, qui perdit pied et roula dans l’espace.

La première émotion passée, la vieille fée reprit ses esprits. La curiosité l’emporta d’abord : elle examina le flacon de cristal : « Il m’aveugle, » dit-elle. Ensuite, vint le ressentiment, et elle maudit la Reine des Fées de lui avoir confié une si lointaine mission.

La fée s’aperçut qu’elle voyageait la tête en bas ; elle se mit dans une position plus commode. La route étant très longue, elle prit le parti d’admirer le paysage pour se distraire. Elle salua quelques connaissances en passant, sur les planètes, et trouva moyen, en croisant une fée, de lui rappeler qu’elle lui devait un écu pour une baguette magique prêtée.

Enfin, une boule terne et de modeste allure apparut, tournant sur elle-même comme un derviche. Partout des astres évoluaient : queues et panaches flottants, lueurs de feux de Bengale.

La terre, grise comme une robe d’ouvrière, semblait étourdie de leur splendeur.

Boulmiche y aborda sur une lande feutrée d’herbes aromatiques. Elle s’assit sur une pierre et regarda autour d’elle avec dédain : « C’est l’hiver, » remarqua-t-elle. « Ces fleurs n’ont ni vie ni couleur. »

Elle ouvrit le flacon pour sentir si la goutte de soleil avait une bonne