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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/123

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dire dans les rites qui ont pour objet d’introduire une âme dans un corps[1]. En tous cas, le sacrifiant se trouvait, à la fin de la cérémonie, marqué d’un caractère sacré qui, quelquefois, entraînait des interdictions spéciales. Ce caractère pouvait même être incompatible avec d’autres du même genre. Ainsi, à Olympie, l’homme qui, après avoir sacrifié à Pélops, mangeait des chairs de la victime, n’avait pas le droit de sacrifier à Zeus[2].

Cette première caractéristique est solidaire d’une autre. La fin de tout le rite est d’augmenter la religiosité du sacrifiant. Pour cela, il fallait l’associer à la victime le plus étroitement possible ; car c’est grâce à la force que la consécration a amassée en elle, qu’il acquiert le caractère désiré. Nous pouvons dire que, dans ce cas, le caractère dont la communication est le but même du sacrifice, va de la victime au sacrifiant (ou à l’objet). Aussi est-ce après l’immolation qu’ils sont mis en contact, ou, tout au moins, c’est à ce moment qu’a lieu la mise en contact la plus importante. Sans doute, il arrive qu’une imposition des mains établisse un lien entre le sacrifiant et la victime avant que celle-ci soit détruite ; mais quelquefois (par exemple, dans le zebaḫ shelamim), elle manque totalement et, en tout cas, elle est secondaire. La plus essentielle est celle qui se produit une fois que l’esprit est parti. C’est alors que se pratique la communion alimentaire[3]. On pourrait appeler sacrifices de sacralisation les sacrifices de cette sorte. La même dénomination convient également à ceux qui ont pour effet, non pas de créer de toutes pièces un caractère

  1. Nous faisons allusion aux faits connus, depuis les travaux de Mannhardt, Frazer, Sidney Hartland, sous le nom de l’Âme extérieure, auxquels les deux derniers auteurs ont rattaché toute la théorie de l’initiation.
  2. Paus., V, 13, 4. Même interdiction à Pergame pour ceux qui avaient sacrifié à Télèphe.
  3. Voir plus haut, p. 57, 62. C’est proprement alors que s’effectue l’identification quelquefois recherchée, entre le sacrifiant, la victime et le dieu, on l’obtient alors absolue (Sur ce principe, voir Ép. Hébr., 2, 11).