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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/135

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le sacrifiant l’absorbe ; il est possédé de lui, κάτοχος ἐκ τοῦ θεοῦ γίνεται[1], comme la prêtresse du temple d’Apollon sur l’Acropole d’Argos, quand elle a bu le sang de l’agneau sacrifié. Il semblerait, il est vrai, que le sacrifice expiatoire n’eût pas les mêmes effets. Mais, en réalité, le jour « du Pardon » est aussi le « jour de Dieu ». C’est le moment où ceux qui échappent au péché par le sacrifice, sont inscrits « au livre de vie[2] ». Comme dans le cas de la sacralisation, le courant qui s’établit, à travers la victime, entre le sacré et le sacrifiant, régénère celui-ci, lui donne une nouvelle force. Par cela seul que le péché, la mort ont été éliminés, les puissances favorables entrent en scène pour le bien du sacrifiant.

Cette régénérescence par le sacrifice personnel a donné naissance à un certain nombre de croyances religieuses. On doit d’abord y rattacher la théorie de la renaissance par le sacrifice. Nous avons vu les symboles qui font du dîkṣita un fœtus, puis un brahmane et un dieu. On sait quelle fut l’importance des doctrines de la renaissance dans les mystères grecs, les mythologies scandinaves et celtiques, les cultes osiriens, les théologies hindoues et avestiques, dans le dogme chrétien lui-même. Or, le plus souvent, ces doctrines sont nettement rattachées à l’accomplissement de certains rites sacrificiels : la consommation du gâteau d’Éleusis, du soma hindou, du haoma iranien, etc…[3].

  1. Paus., II, 24, 1. — Sur le transport par le soma, sur la façon dont les ṛṣis qui l’ont bu se sentent soit emportés dans l’autre monde, soit possédés par le dieu Soma, voir Bergaigne, Rel. Véd., I, 151 sqq. ; Ṛg Veda, X, 119 ; X, 136, 3, 6, sqq. : VII, 48 en entier. Cf. Oldenberg, Rel. d. Ved., p. 330. Sur la possession, voir Wilken, Het shamanisme bij den volken van den Indischen Archipel, extr. de Bijdr. tot de Taal- Land- en Volkenkunde v. Ned. Ind., 1878, p. 1 sqq. Frazer, Pausanias, t. V, p. 381 : cf. Paus., I, 34, 5. Roscher, Rhein. Mus., LIII, p. 172 sqq.
  2. Ces expressions sont empruntées aux spéculations bibliques et talmudiques sur le jour du « jugement », du Kippour.
  3. Voir nos comptes rendus des livres de A. Nutt, Rohde, Cheetham (Année Sociologique, II, p. 214 et sqq.). — En ce qui concerne les doctrines hindoues, voir Sylv. Lévi, Doctr., 102, 108, 161 ; en ce qui concerne le