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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/139

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qui la rendait inabordable, on transforme cette vertu en esprit pur, soit qu’on poursuive l’un et l’autre but à la fois.

Mais, de plus, la nature particulière de l’objet intéressé par le sacrifice modifie ce dernier. Dans le sacrifice de construction[1], par exemple, on se propose de créer un esprit qui soit le gardien de la maison, ou de l’autel, ou de la ville que l’on construit ou que l’on veut construire, et qui en fasse la force[2]. Aussi les rites d’attribution se développent-ils. On emmure le crâne de la victime humaine, le coq, la tête de chouette, etc. D’autre part, suivant la nature de la construction, selon qu’il s’agit d’un temple, ou d’une ville ou d’une simple maison, l’importance de la victime varie ; suivant que l’édifice est déjà construit ou à construire, le sacrifice aura pour objet de créer l’esprit ou la divinité gardienne, ou bien il sera une propitiation du

  1. C’est un des rites dont l’étude comparative est le plus avancée. H. Gaidoz, Les rites de la construction, Paris, 1882. M. Winternitz, Einige Bemerkungen über das Bauopfer bei den Indern, Mitthlg. d. Anthr. Gesell. z. Wien, 1888, XVII, Intr., p. 37 sqq., et surtout l’exhaustive monographie de Sartori, Das Bauopfer, Zeitsch. f. Ethn., 1898 (cf. compte rendu, Année Soc., II, p. 236), essai de classement des formes où seuls l’analyse du rite laisse réellement à désirer. Sur la conservation des corps ou de parties de corps des victimes dans les constructions, voir Wilken, Iets over de Schedelvereering bij d. volken v. d. Ind. Arch., Bijdr. tot de Taal -Land- en Volkenkunde v. Ned. Ind., 1889, p. 34. — Pinza, Conservazione delle leste umane, passim.
  2. C’est le cas le plus général. Il s’agit réellement de la création d’une espèce de dieu auquel on rendra plus tard un culte. Il y a là un cas parallèle à celui du sacrifice agraire. Cet esprit sera vague ou précis, se confondra avec la force qui rend solide la construction, ou bien deviendra une sorte du dieu personnel, ou sera les deux à la fois. Mais toujours il sera rattaché par certains liens à la victime dont il sort et à la construction dont il est le gardien et le protecteur contre les sorts, les maladies, les malheurs, inspirant à tous le respect du seuil, aux voleurs et aux habitants. (H. C. Trumbull, The Threshold Covenant, New-York, 1896.) — De même qu’on fixe la victime agraire, en semant ses restes, etc., de même on répand le sang sur les fondations et plus tard on emmure la tête. — Les sacrifices de construction ont pu se répéter dans divers rituels ; d’abord en des occasions graves, réparation d’une construction, siège d’une ville, puis devenir périodiques, et se confondre dans bien des cas avec les sacrifices agraires, donner comme eux naissance à des personnalités mythiques (voir Dämmler, Sittengeschichtliche Parallelen, Philologus, LVI, p. 19 sqq.).