Aller au contenu

Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Œta, Melkarth à Tyr[1], le dieu Sandés ou Sandon à Tarse[2], Didon à Carthage s’étaient brûlés eux-mêmes. La mort de Melkarth était commémorée par une fête chaque été ; c’était une fête de la moisson. La mythologie grecque connaît des déesses qui portaient le titre d’Ἀπαγχομένη, c’est-à-dire de déesses « pendues » : telles Artémis, Hécate, Hélène[3]. À Athènes, la déesse pendue était Érigone, mère de Staphylos, héros du raisin[4]. À Delphes, elle s’appelait Charila[5] : Charila, disait le conte, était une petite fille qui, au cours d’une famine, était allée demander au roi sa part de la dernière distribution ; battue et chassée par lui, elle s’était pendue dans un vallon écarté. Or une fête annuelle, instituée, dit-on, sur l’ordre de la Pythie, était célébrée en son honneur. On commençait par une distribution de blé ; puis on fabriquait une image de Charila, on la frappait, on la pendait et on l’enterrait. Dans d’autres légendes, le dieu s’inflige une mutilation dont, quelquefois, il meurt. C’est le cas d’Attis et d’Eshmoun qui, poursuivi par Astronoe, se mutila avec une hache.

C’était souvent un fondateur du culte ou le premier prêtre du dieu dont le mythe racontait la mort. Ainsi, à Iton, Iodama, sur le tombeau de laquelle brûlait un feu sacré, avait été prêtresse d’Athena Itonia[6]. De même Aglaure, à Athènes, dont les Pluntéries étaient censées expier la mort, avait été prêtresse d’Athena. En vérité, le prêtre et le dieu ne sont qu’un seul et même être. Nous savons, en effet, que le prêtre peut être, aussi bien que la victime, une incarnation du dieu ; souvent il se déguise à son image. Mais il y a là une première différenciation, une

  1. Clém. Rom., Recognitiones, X, 24. Cf. Hérod., VII, 167. — Movers, Phönizier, I, p. 153, 135, 394 sqq. — Pietschmann, Gesch. d. Phönizier. — Rob. Smith, Rel. Sem., p. 373, n. 2.
  2. O. Müller, Rhein. Mus., 1829, p. 22-39, Sandon und Sardanapal.
  3. Usener, Götternamen, p. 239 sqq.
  4. Voir plus haut, p. 106.
  5. Plut., Qu. Graec., 12.
  6. Paus., IX, 34, 2.