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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/17

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ces acteurs vont rejoindre les traqueurs. Lorsque la bête n’est pas tuée dans le piège, on l’achève en l’étouffant. On prononce en même temps la prière suivante, adressée à Awonawilona[1], sorte de principe androgyne, d’âme du monde. « En ce jour, tes pluies, tes semences, ta médecine de mystère, j’aspire le souffle sacré de la vie ». Les bêtes sont rapportées chacune à la maison d’un chasseur. Elles y reçoivent le culte ordinaire[2], avec quelques modifications cependant. Ce sont des offrandes de farine, des prières dites par les gens de la maison, un office de la confrérie ; puis on écorche les corps avec des prières, des offrandes ; puis vient un culte des fétiches animaux, qui sont trempés dans le sang, « si le sang n’a pas encore coulé ». On prépare soigneusement la peau de la tête pour en faire les masques. Quant à la chair, le chasseur a le droit de la manger, à moins qu’elle ne soit attribuée aux grands prêtres de la pluie, les Ashiwanni[3]. Mais une partie en est toujours offerte aux dieux animaux, qui président aux six régions de l’espace[4]. La cérémonie terminée, la vie spirituelle du daim retourne au séjour des esprits d’où elle vient et on lui attribue ces paroles : « J’ai été chez mes gens, je leur ai donné ma chair à manger ; ils ont été heureux, et leurs cœurs étaient bons[5] ; ils chantè-

  1. Awonawilona est une sorte d’âme universelle, identifiée à l’espace et au vent, Mrs Stevenson, o. l., p. 22 sq.
  2. Nous disons culte ordinaire, parce que les expressions de Mrs Stevenson dans cette partie de sa description font allusion aussi bien à la chasse de tous les jours (p. 440, fortunate huntsman) qu’à cette chasse sacrificielle.
  3. Stevenson, loc. cit., p. 441. Le rite auquel il est fait allusion est probablement celui de la danse des Kianakwe, au solstice d’hiver, où il y a, en effet, une offrande des daims aux Ashiwanni représentants des dieux de la pluie, ibid., p. 224.
  4. Cushing, Zuñi Fetishes, IId Ann. Rep. Bur. Amer. Ethno. Cf. Durkheim et Mauss, De quelques formes primitives de classification, Année Sociologique, t. VI, 1903, p. 41, sq.
  5. La bonté du cœur, la pureté religieuse, celle même des intentions, est un trait important du rituel Zuñi, cf. pour la même confrérie, Stevenson, Z. I., p. 439, en général, p. 15.