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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/201

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Mais ce n’est là qu’une simple image mythique secondaire, destinée à expliquer l’ascension dans le monde des esprits, de la même espèce que la notion (Ngarego, Wolgal, Kurnai)[1] du « Marengrang », espèce de chemin mouvant et subtil, sorte de cheveu, de fil, tendu entre la terre et le ciel, que suivent la lune, les âmes des morts et celles des magiciens. Il est à regretter que M. Howitt n’ait pu mieux nous renseigner sur la façon dont s’opérait cette révélation et, en particulier, s’il ne s’y mêlait pas l’idée, régulière en matière d’initiation, que le magicien meurt et renaît[2]. Chez les Murring (la côte N.-E. de Victoria), le gommera, chef magicien[3], reçoit ses pouvoirs de Daramulun[4], peut-être en montant au ciel[5], et les pouvoirs sont symbolises par des morceaux de cristal de roche[6] ; nous ne savons pas, de façon sûre, s’ils ont été insérés dans le corps du magicien à ce moment-là, ni surtout si le magicien est censé mourir et renaître à ce même moment ; tout ce que nous savons certainement, c’est qu’il les garde en soi, et qu’on le représente comme pouvant ressusciter[7].

  1. Ibid., p. 196 et 197. Il est bien extraordinaire que, chez les Ngarego et Wolgal, le « Marengrang » semble être équivalent de Turndun, grand dieu (nom du bull-roarer chez les Kurnai).
  2. Il y a (A. M. M., p. 47 et 48) des passages qui peuvent faire croire que ce thème mythique se rencontrait aussi dans les tribus que nous venons d’énumérer, mais ils semblent n’en faire qu’une tradition exotérique, destinée à être racontée aux femmes, nullement descriptive de la vérité ésotérique.
  3. A. M. M., p. 43. Le chef est nécessairement magicien : il ne l’est pas nécessairement dans les tribus voisines.
  4. A. M. M., ibid.
  5. Si du moins la tradition relative à l’un des chefs peut s’appliquer aux autres. Austr. Bel., p. 197.
  6. Que le magicien extrait de son corps pendant les drames mythiques qui forment le tissu des cérémonies d’initiation, Howitt, On certain Ceremonies of Initiation,J. A. I., XIII, p. 415 ; cf. n. 2. A. M. M., p. 43. L’exhibition de l’esprit familier totémique, au cours des mêmes cérémonies (magicien qui extrait un petit serpent de sa bouche, son totem), est peut-être à rapprocher de ces faits, A. M. M., p. 44.
  7. Au cours des mêmes cérémonies d’initiation. Howitt, On certain Ceremonies of Initiation, J. A. I., XIII, p. 453 et 454 ; la même cérémonie se répète chez les Theddora.