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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/210

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peut se produire entre l’idée d’une ascension, d’une lévitation, celle d’un transfert au pays des morts, et enfin celle d’une simple apparition des morts dans un rêve ordinaire. Ils nous mettent en présence d’une image trouble de la révélation, image d’un genre beaucoup plus répandu probablement que la plupart des renseignements écourtés et stéréotypés ne nous le font paraître[1]. La révélation, pour les birraark Kurnai[2], semble avoir eu un caractère plutôt totémique, quoique les Kurnai n’aient plus de totems de clan. En effet, les « mrarts » sont des esprits animaux, aux corroborees (danses chantées) desquels l’initié assiste[3]. Là encore, il y a indécision entre l’image totémique et l’image purement anthropomorphique de la révélation.

Il manque aussi aux faits observés chez les Kurnai un trait mythique important, celui de la mise à mort du magicien et de sa renaissance. Ce trait en a peut-être été toujours absent. Mais la régularité extraordinaire avec laquelle il apparaît dans les tribus qu’il nous reste à étudier est, quant à nous, un indice sûr de sa grande extension.

Les Arunta sont une des tribus australiennes les mieux

  1. Il faut encore remarquer comment le ciel se confond avec un pays probablement à la fois souterrain et marin ; et comment cet enlèvement du novice au pays des morts équivaut probablement à l’ascension du magicien Wiraijuri.
  2. Kam. and Kur., p. 254. Brough Smyth, I, p. 473. Ce dernier renseignement contient une donnée qui disparaît, chose remarquable, des renseignements plus précis et postérieurs. Le magicien doit être dans la brousse et porter un gumbut (os de kangourou) dans le trou percé dans le nez. Des mrarts l’emmènent alors au ciel (par une échelle, ajoutait l’informateur).
  3. Austr. Bel., J. A. I., XIII, p. 195. A. M. M., J. A. I., XVI, p. 45 (cas de Mundanin, qui, enlevé par les kangourous, reçoit d’eux leur révélation, est retrouvé, près du camp, avec un énorme morceau de bois dans le dos : pendant quelque temps, il reste comme endormi, « chantant sur ce qu’il avait vu chez les morts ») ; A. M. M., p. 34 (cas de Bungil Bataluk qui reçoit le nom de Bataluk, iguane, parce qu’il a assisté à un corroboree de ses animaux, et a un lézard familier pour exécuter ses ordres). L’interdiction totémique est très marquée dans le cas de Mundanin.