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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/262

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chant à concevoir ce que peuvent être les éléments qualitatifs de la représentation du temps en magie et en religion, on ne rencontre donc au premier abord que des images associées et dont l’association est retenue en vue d’actes possibles.

Ce premier résultat concorde avec l’analyse de M. Bergson, qui aboutit à concevoir un temps dont la représentation se compose d’images d’inégale tension, placées en série par degré de tension et dont la tension est réglée par l’action et ses nécessités. Mais l’examen superficiel d’un seul ordre de données peut-il nous assurer qu’il n’entre dans la représentation du temps, au moment de son développement où nous essayons de la saisir, que de semblables agglomérations d’images particulières et la tension variable dont ces images sont susceptibles ? S’il en est ainsi, nous laisserons volontiers le dernier mot aux philosophes, et nous leur demanderons l’explication des faits qui nous ont arrêtés. Peuvent-ils nous la donner ?

Il est naturel, somme toute, que les philosophes réduisent à des termes fort simples les éléments primordiaux de la notion de temps. Leur objet n’est-il pas de briser la lourde carcasse de nos opérations mentales, pour en dégager ce qu’elle recouvre de réel ? Cette vie profonde de l’esprit humain est décelée par les inconséquences, auxquelles arrive le jeu logique des notions superficielles. Dans le cas présent, le jeu de notions, qui déguise la réalité psychologique des images successives, consiste dans l’ajustement de deux séries de représentations. L’une est constante et périodique : c’est le calendrier et la chronologie avec leurs points de repère et toutes les particularités qu’ils enregistrent. L’autre se construit perpétuellement par l’apport de représentations nouvelles. L’esprit travaille constamment à associer dans une même tension certains éléments de ces deux séries. Le tout est dominé par des notions générales de durée, de période, de date, qui sont douées d’une certaine objectivité et qui entrent, avec cette objectivité,