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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/28

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mènes de psychologie collective d’où se dégage cette notion de mana.

Comme nous ne dissimulions pas que nous ne connaissions que peu d’exemplaires authentiques de cette notion, M. Jevons[1] nous a reproché de fonder ainsi toute la magie sur un principe dont, de notre aveu, l’existence explicite n’était pas absolument universelle. Nos recherches ultérieures nous permettent d’affirmer que cette notion est très répandue.

Le nombre des sociétés où on ne la constate pas expressément se restreint de plus en plus.

En Afrique, les Bantus, c’est-à-dire la plus grande et la plus dense des familles africaines, possèdent la notion tout à fait identique de Nkissi, de Moquissie, comme disaient les vieux auteurs[2]. Les Ewhé, c’est-à-dire une bonne partie des Nigritiens, ont la notion de Dzo[3]. De ce fait, nous concluons déjà qu’il est nécessaire de remplacer, pour toute l’Afrique, la notion de fétiche par celle de mana. En Amérique, nous avions déjà signalé l’orenda Iroquois, le manitou algonquin, le wakan Sioux, le xube Pueblo, le naual du Mexique central. Il faut y joindre le nauala des Kwakiutl[4]. Notre hypothèse, sur la parenté qui relie la notion de brahman, dans l’Inde védique, à celle de mana, a été admise récemment par

  1. F.-B. Jevons, The Definition of Magic, extrait de Sociological Review, avril 1908, p. 6 sqq. Cf. Rev. de Mét. et de Morale, 1908, C. R. d’Année Soc. VIII.
  2. Cf. Année sociologique, t. X, p. 308 sqq.
  3. Spieth, Die Éwhe Stamme, p. 69 ; Westermann Ewhe-deutsckes Wörterbuch, s. v. et dérivés, p. 83, p. 86, sq.
  4. Cf. Boas, The social Organization and the secret Societies of the Kwakiutl Indiens, Rep. U. S. Nat. Mus. 1895 (1897), p. 695, l. 4 et 5, 694, l. 9, l. 11, etc. ; cf. Kwakiutl Texts (Boas et Hunt) Jesup Pac. Exped. Mem. Amer. Mus. Nat. Hist. vol. III, p. 100, l. 5, l. 26 ; p. 63, l. 39 ; p. 64, l. 1 ; p. 215, l. 35, l. 39, l. 45, etc. Il existe encore chez les Kwakiutl, une autre notion, plus prochaine de celle de talisman et de surnaturel à la fois, celle de : Lokoa, dans la seconde transcription, de Lógwa. Cf. les trois vers Kw. Texts, p. 355, l. 10-18, Soc. Orga., p. 373.