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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/32

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abusif que M. Huvelin fait encore du mot magique. Il n’y a pas, entre les faits du système magique et les faits du système religieux, l’antinomie qu’il se représente et au sujet de laquelle il nous prend à partie. Il y a, nous l’avons dit, dans tout rite de la magie aussi bien que de la religion, une même force mystique, qu’on avait autrefois le tort d’appeler magique. M. Huvelin n’a pas répudié ce vice de la nomenclature et c’est pourquoi il fait de la magie la source unique des contrats.

Il ne faut pas opposer les phénomènes magiques aux phénomènes religieux : dans les phénomènes religieux, il y a plusieurs systèmes, celui de la religion, celui de la magie, d’autres encore ; par exemple la divination et ce qu’on appelle le folk-lore forment des systèmes de faits religieux comparables aux précédents. Cette classification correspond mieux à la complexité des faits, et à la variabilité des rapports historiques de la magie et de la religion. Mais notre définition du système de la magie reste la même et nous continuons à ne considérer comme lui appartenant que ce qui, le folk-lore mis à part, ne fait pas partie des cultes organisés. En vertu de cette définition, par exemple, le dhârna[1], le suicide juridique à l’effet d’arriver à l’exécution d’un créancier, dont parle M. Huvelin, ressortissant aux différents codes, à celui de Manou en particulier, ne figurant dans aucun manuel magique, dépendant du culte funéraire, relève de la religion et non de la magie.

Enfin, sans être obligatoires, les rites de la magie sont néanmoins sociaux. L’obligation proprement dite n’est pas pour nous le caractère distinctif des choses, des actes et des sentiments sociaux. L’acte magique illicite reste pour nous social, sans qu’il y ait là contradiction. L’acte est social parce qu’il tient sa forme de la société et qu’il n’a de raison d’être que par rapport à elle. Tel est le cas que cite

  1. P. Huvelin, o. l., p. 22.