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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/37

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contradictoires. Mais elles les concilient. C’est ce qu’on voit chez tous les partis et dans toutes les Églises. Ces contradictions sont aussi inévitables qu’utiles. Par exemple, pour que le charme puisse être conçu comme agissant à la fois à distance et par contact, il a fallu constituer l’idée d’un mana à la fois étendu et inétendu. Le mort est, à la fois, dans un autre monde et dans sa tombe où on lui rend un culte. De pareilles notions, vicieuses pour nous, sont des synthèses indispensables où s’équilibrent des sentiments et des sensations également naturels mais pourtant contradictoires. Les contradictions viennent de la richesse du contenu de ces notions et ne les empêchent point de porter pour les croyants les caractères de l’empirique et du rationnel.

C’est pourquoi les religions et les magies ont résisté et se sont continuellement et partout développées en sciences, philosophies et techniques d’une part, en lois et mythes, de l’autre. Elles ont ainsi puissamment aidé à la formation, à la maturation de l’esprit humain.

Mais pour que les jugements et les raisonnements de la magie soient valables, il faut qu’ils aient un principe soustrait à l’examen. On discute sur la présence ici ou là, et non pas sur l’existence du mana. Or, ces principes des jugements et des raisonnements, sans lesquels on ne les croit pas possibles, c’est ce qu’on appelle en philosophie des catégories.

Constamment présentes dans le langage, sans qu’elles y soient de toute nécessité explicites, elles existent d’ordinaire plutôt sous la forme d’habitudes directrices de la conscience, elles-mêmes inconscientes. La notion de mana est un de ces principes : elle est donnée dans le langage ; elle est impliquée dans toute une série de jugements et de raisonnements, portant sur des attributs qui sont