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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/47

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produit d’une certaine masse sociale douée d’un certain état d’esprit et animée de certains mouvements. Reconnaissant des relations étroites entre les faits que l’on renvoie d’ordinaire à la démographie ou à l’anthropogéographie et ceux qui relèvent de la science des religions ; voulant nous tenir aussi près que possible de la réalité, nous sommes et nous restons des sociologues[1].

Il ne nous paraît donc pas nécessaire d’aider à la renaissance de la Völkerpsychologie, de la psychologie populaire, collective, sociale. Quand nous parlons d’états psychiques collectifs, nous pensons à des sociétés définies, et non pas à la société en général, au peuple, aux masses indécises d’une humanité vague, où les idées et les sentiments se transmettraient d’individus à individus, nous ne savons comment[2]. Le peuple dont parlent les Völkerpsychologen est une chose abstraite qui est à chaque peuple comme l’arbre des scholastiques était au poirier du recteur. Le social n’est, pour nous, ni le populaire, ni le commun. Même quand il s’agit de magie et de Folklore, nous ne perdons jamais de vue que pratiques et croyances sont spéciales à certains peuples, à certaines civilisations. Elles ont toujours la couleur particulière que prend chaque phénomène dans chaque société. Si indéfinies que soient les limites de leur extension, elles correspondent à des faits de structure qui sont tout au moins des courants de civilisation. C’est pourquoi la sociologie ne peut se constituer en dehors de l’ethnographie et de l’histoire.

Ce qui existe, ce qui offre un terrain solide à la science, ce sont des phénomènes particuliers : des sacrifices, des magies, des formes de classification, etc. Mais les phénomènes particuliers ont des raisons générales. C’est à tra-

  1. On reconnaîtra là un nouvel exposé des principes posés par M. Durkheim et son école. Cf. Art. Sociologie, Grande Encyclopédie. Mais la confusion est lente à dissiper.
  2. Cf. Mauss, L’Art et le Mythe, etc. Revue philosophique, 1908, p. 33 sqq.