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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/54

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ment comment une telle transformation avait pu se produire. D’un autre côté, quand la parenté des hommes et des bêtes eut cessé d’être intelligible aux Sémites, le sacrifice humain remplaça le sacrifice animal ; car il était désormais le seul moyen d’établir un échange direct du sang entre le clan et le dieu. Mais alors, les idées et les coutumes qui protégeaient dans la société la vie des individus, en proscrivant l’anthropophagie, firent tomber en désuétude le repas sacrificiel.

D’autre part, peu à peu, le caractère sacré des animaux domestiques, profanés quotidiennement pour la nourriture de l’homme, alla lui-même en s’effaçant. La divinité se détacha de ses formes animales. La victime, en s’éloignant du dieu, se rapprocha de l’homme, propriétaire du troupeau. C’est alors que, pour s’expliquer l’offrande qui en était faite, on se la représenta comme un don de l’homme aux dieux. Ainsi prit naissance le sacrifice don. En même temps, la similitude des rites de la peine et du rite sacrificiel, l’effusion de sang, qui se retrouvait de part et d’autre, donna un caractère pénal aux communions piaculaires de l’origine et les transforma en sacrifices expiatoires.

À ces recherches se rattachent, d’une part, les travaux de M. Frazer et, de l’autre, les théories de M. Jevons. Avec plus de circonspection sur certains points, ces dernières sont, en général, l’exagération théologique de la doctrine de Smith[1]. Quant à M. Frazer[2], sans se rallier à l’hypothèse totémistique, il y ajoute un développement important. L’explication du sacrifice du dieu était restée rudimentaire chez Smith. Sans en méconnaître le caractère naturaliste, il en faisait un piaculum d’ordre supérieur. L’idée ancienne de la parenté de la victime totémique et des dieux survivait

  1. Introduction to the History of Religion, 1896. Pour les restrictions voir p. 111, 115, 160. — M. Sidney Hartland s’est rattaché (Legend of Perseus, t. II, ch. xv) à la théorie de R. Smith.
  2. Frazer, Golden Bough, chap. iii.