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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/78

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un commencement de sainteté. Le rituel romain prescrivait généralement l’usage du voile, signe de séparation et, partant, de consécration[1]. La couronne que le sacrifiant portait sur la tête, en même temps qu’elle écartait les mauvaises influences, le marquait d’un caractère sacré[2]. Le sacrifiant complétait quelquefois sa toilette en se rasant la tête et les sourcils[3]. Toutes ces purifications[4], lustrations, consécrations, préparaient le profane à l’acte sacré, en éliminant de son corps les vices de sa laïcité, en le retranchant de la vie commune et en l’introduisant pas à pas dans le monde sacré des dieux.

2o Le sacrificateur. — Il y a des sacrifices où il n’y a pas d’autres acteurs que le sacrifiant et la victime. Mais, généralement, on n’ose pas approcher des choses sacrées directement et seul ; elles sont trop graves et trop hautes. Un intermédiaire ou, tout au moins, un guide est nécessaire[5]. C’est le prêtre. Plus familier avec le monde des dieux, où il est à demi engagé par une consécration préalable[6], il

  1. S. Reinach, Le voile de l’oblation, 1897, p. 5 sqq.
  2. Stengel, loc. cit., p. 98. — Ménandre, Le Laboureur, v. 8, Rev. des Ét. grecques, 1898, p. 123. — E. Samter, Römische Sühnriten, Philologus, 1897, p. 393, sqq.Fest., p. 117.
  3. Ex. ; Nomb. VIII, 7. — Lucien, De Dea Syria, 55.
  4. Sur l’ensemble des cérémonies préparatoires (iḫrâm — sanctification) aux anciens sacrifices correspondant aux pèlerinages actuels de la Mecque, voir Wellhausen, Reste des Arabischen Heidenthums, p. 79 sqq. Les pèlerinages à Hiérapolis présentaient les mêmes pratiques : Lucien, loc. cit. De même pour les pèlerins de l’ancien Temple : Jér. XLI, 8. Voir Rob. Smith, Rel. of Sem., p. 333, p. 481 (note additionnelle).
  5. Les rites qui ne font pas partie du rituel domestique et où le sacrifiant officie lui-même sont assez rares dans les religions que nous étudions. En Judée, il n’y avait que le sacrifice de la Pâque où l’on pût, en l’absence de tout Lévite ou Cohen et en dehors de Jérusalem, tuer une victime. — En Grèce, par exemple, le sacrifice à Amphiaraos (Oropos) peut être présenté par le sacrifiant en l’absence du prêtre (C. I. G. G. S., 235), — Dans le rituel hindou, personne, s’il n’est brahmane, ne peut sacrifier sur les trois feux du grand sacrifice. La présence du brahmane n’est pas exigible, au contraire, dans le culte familial (Hillebr., Rit. Litt., p. 20).
  6. Ex. XXIX. — Lév. VIII. — Nomb. VIII.