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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/272

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faut, j’en conviens, être en de telles extrémités. Je ne veux donc pas accuser légèrement, — je dis légèrement, — le général Cubières d’escroquerie. Je répète qu’il n’y a dans le dossier aucune pièce qui prouve à sa charge ce délit, pire qu’un crime ! S’il en était autrement, s’il y avait contre lui des indices réels, des indices suffisants. Messieurs, sa qualité, que j’invoquais tout à l’heure, serait à mes yeux une circonstance aggravante ; et précisément parce qu’il est pair de France, précisément parce qu’il a été soldat, et soldat de nos plus glorieuses armées, je voterais l’accusation avec un sévère empressement. Il n’en est pas ainsi. Je dis non.

M. de Broglie a dit non ; M. Pasquier a dit oui.

La séance, ouverte à midi, a été levée à cinq heures et demie.

En sortant de la séance, le duc de B. m’a dit : — Prenez garde, avec des procès comme ceux-là on ébranle plus que le cabinet, on court risque de faire tomber le gouvernement, les institutions, l’État. — J’ai répondu : — L’homme n’est pas bien solide sur ses jambes qu’on fait tomber en lui brossant son habit.


29 juin. — Hier les quatre accusés ont été mandés (ils ne sont pas arrêtés) au Luxembourg et interrogés de nouveau. M. Cubières a dit qu’il voulait un salon pour lui seul, à présent et pendant tout le procès, entendant ne pas se trouver avec ses coaccusés. M. Teste est furieux ; il a dit avec sa vivacité méridionale : — C’est bon. Je vais en foudroyer plusieurs. On m’appelait il y a vingt ans le lion du midi, maintenant le lion est vieux, mais il est toujours lion.

Voici ce qu’on raconte du reste. — Mme Cubières aurait dit à M. Hipp. Passy, il y a deux jours : — Eh bien ! mon mari parlera. Il le faut. La vérité est qu’il a donné cent quinze mille francs à M. Pellapra pour M. Teste. — Je tiens ceci de M. de Mesnard auquel M. Troplong l’a dit, le tenant de Passy lui-même.


7 juillet. — Pellapra s’est enfui. Le procès commence demain.




Jeudi 8 juillet. — Premier jour du procès.

À midi je suis arrivé. Les pairs étaient dans la galerie des tableaux. J’y suis allé. Tous parlaient de l’évasion de Pellapra. M. le chancelier est entré. Des banquettes avaient été préparées selon l’usage pour les pairs et une table pour le chancelier avec un fauteuil, sous le tableau de Marius à Carthage,