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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/150

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ODES ET BALLADES.

La roue aux rayons d’or, de clous d’airain semée,
Et les quadriges éclatants ?

« Pourquoi nous effrayer de clartés symboliques ?
Nous aimons qu’on nous charme en des chants bucoliques,
Qu’on y fasse lutter Ménalque et Palémon.
Pour dire l’avenir à notre âme débile,
On a l’écumante Sibylle,
Que bat à coups pressés l’aile d’un noir démon.

« Pourquoi dans nos plaisirs nous suivre comme une ombre ?
Pourquoi nous dévoiler dans sa nudité sombre
L’affreux sépulcre, ouvert devant nos pas tremblants ?
Anacréon, chargé du poids des ans moroses,
Pour songer à la mort se comparait aux roses
Qui mouraient sur ses cheveux blancs.

« Virgile n’a jamais laissé fuir de sa lyre
Des vers qu’à Lycoris son Gallus ne pût lire.
Toujours l’hymne d’Horace au sein des ris est né ;
Jamais il n’a versé de larmes immortelles :
La poussière des cascatelles
Seule a mouillé son luth, de myrtes couronné ! »

V



Voilà de quels dédains leurs âmes satisfaites
Accueilleraient, ami, Dieu même et ses prophètes !
Et puis, tu les verrais, vainement irrité,
Continuer, joyeux, quelque festin folâtre,
Ou pour dormir aux sons d’une lyre idolâtre
Se tourner de l’autre côté.

Mais qu’importe ! accomplis ta mission sacrée.
Chante, juge, bénis ; ta bouche est inspirée !