Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/497

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Puis je citais sans crainte, en termes absolus,
Et Voltaire et Rousseau, que je n’ai jamais lus.
J’invoquais nos grands mots : la vertu, la victoire ;
Et je crois même aussi que je parlais d’histoire.
Ajoute à ce mélange un morceau fort adroit,
Où je prouvais que Dieu n’a sur nous aucun droit,
Où même, pour montrer mon âme libre et fière,
Je jetais loin de moi le joug de la grammaire.
Croirais-tu qu’un discours si fort et si rusé
Pour le susdit pamphlet fut trouvé trop usé ?
Que je perdis mon temps, mes frais, mon éloquence ?
Et que, de m’enrichir m’ôtant toute espérance,
Le grossier rédacteur m’envoya sans façon
À ce journal sans sel où l’on singe Adisson [1] ? »
Macer a répondu : pour moi, je dois me taire.
Sans savoir le citer, je sais lire Voltaire ;
Je hais la calomnie ; enfin mon esprit lourd
Ne saurait s’élever à la hauteur du jour.

L’ENRÔLEUR

Jeune homme, tu te perds. Écoute-moi, de grâce.
Si d’un vrai citoyen ton cœur n’a point l’audace,
Tu peux, quittant le fouet et prenant l’encensoir,
Sans renoncer à nous, ramper sous le pouvoir.
Le ministre, crois-moi, saura payer le zèle
D’un auteur qui pour lui veut bien faire un libelle.
On voit, dans les honneurs, plus d’un homme prudent,
Que le premier revers peut rendre indépendant ;
La girouette reste au haut de l’édifice :
Je pourrais te citer…

L’ADEPTE
<poem>Non, rendez-moi justice.

Je n’imiterai point ces vils caméléons Qu’un jour la guillotine eut pour Anacréons, Et qui, du plus puissant servant toujours la cause,

  1. On a pu s’apercevoir que, depuis l’époque où cette satire a été faite, si les noms ont changé, les choses sont restées les mêmes. Cependant la justice exige une exception en
    faveur du Spectateur. La plupart de ses rédacteurs étaient des hommes fort estimables, qui se sont arrêtés, sitôt qu’ils se sont aperçus qu’ils suivaient la fausse route. M. Campenon, poète aimable, M. Laya, poste courageux, honoraient trop le ministérialisme.