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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/750

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Steppes, forêts, déserts,

Le cheval tombe aux cris de mille oiseaux de proie,
Et son ongle de fer sur la pierre qu’il broie

Éteint ses quatre éclairs.


Voilà l’infortuné gisant, nu, misérable,
Tout tacheté de sang, plus rouge que l’érable

Dans la saison des fleurs.

Le nuage d’oiseaux sur lui tourne et s’arrête ;
Maint bec ardent aspire à ronger dans sa tête

Ses yeux brûlés de pleurs.


Eh bien ! ce condamné qui hurle et qui se traîne,
Ce cadavre vivant, les tribus de l’Ukraine

Le feront prince un jour.

Un jour, semant les champs de morts sans sépultures,
Il dédommagera par de larges pâtures

L’orfraie et le vautour.


Sa sauvage grandeur naîtra de son supplice.
Un jour, des vieux hetmans il ceindra la pelisse,

Grand à l’œil ébloui ;

Et quand il passera, ces peuples de la tente,
Prosternés, enverront la fanfare éclatante

Bondir autour de lui !


II


Ainsi, lorsqu’un mortel, sur qui son dieu s’étale,
S’est vu lier vivant sur ta croupe fatale,

Génie, ardent coursier,

En vain il lutte, hélas ! tu bondis, tu l’emportes
Hors du monde réel, dont tu brises les portes

Avec tes pieds d’acier !